10 gennaio
Les carnets
de lecture
d'une livropathe
Ce livre ne cherche pas à faire la morale à son lecteur, juste à lui mettre sous le nez ce qu’il n’a pas envie de regarder, à lui de faire avec ensuite. Le propos ici sert surtout à nous faire réaliser que notre société marque notre sens moral plus qu’on ne peut le penser. Elle tente de définir la valeur que nous accordons aux choses et surtout aux gens.
On croise dans cette histoire des personnes issues de milieux différents, les choix qu’elles ont fait, la façon dont elles se perçoivent, les ont menées là. Elles sont responsables de leur vie et des décisions qu’elles ont prises. Parfois, elles ont encore le choix.
Au centre du récit il y a Iac, adolescent révolté, parfois exaspérant quand il semble ne pas savoir où il a mal, quand il se montre aussi désabusé à un âge si jeune alors qu’au fond il a juste une certaine difficulté à devenir adulte. Et il y a les autres, ceux que la vie a malmenés ou pas, qui vivent ou gravitent près de la décharge. Tous ont une histoire qui se dévoile petit à petit, de façon pudique.
La décharge aussi est un personnage qui semble parfois terriblement vivant, une chose, une bête non domestiquée qui peut partir en vrilles sans qu’on s’en aperçoive. C’est un monde en perpétuel changement, redessiné par les mouvements des ordures, fréquenté par des gens divers, mais ignorée de la masse populaire. Elle s’étend pourtant à ses pieds, une enclave dans la ville que les habitants font semblant de ne pas voir, n’imaginant pas tout ce qui peut se passer dans cette zone de non-droit. Ils ne savent même pas qu’elle grouille de vie.
En parallèle de ce microcosme, il y a la famille de Silvia, riches et complètement déconnectés… Ces cinglés du bistouri (le père est chirurgien) m’ont semblés extrêmement caricaturaux, mais ont une place dans le récit. Ils apportent une certaine dose de cynisme, même s’il n’en manquait pas, et surtout des corrélations avec la décharge auxquelles on n’aurait pu ne pas s’attendre, ou pas voulu, c’est selon.
Les chapitres sont courts, comme cisaillés dans la masse, il y en a 90 sur environ 200 pages, imaginez… Il n’y avait pourtant pas toujours lieu de faire des coupures alors que l’action continue exactement depuis le même point dans le fragment suivant, mais je ne vais pas me plaindre de ce découpage. Il permet en fait de mieux supporter la lecture qui peut se révéler éprouvante tant elle est désenchantée. Il se dégage de cette façon froide, presque chirurgicale, de dépecer les morceaux de l’histoire, une étrange poésie. C’est indubitablement bien adapté à la fois au contexte et aux événements, en somme le style parfait pour ce roman.
Cette lecture peut se révéler perturbante, choquante, dure à encaisser, mais elle est réaliste et ne tombe jamais dans le misérabilisme. Elle m’a donné à réfléchir et malgré son côté détaché, elle est forte en émotions.
A la fin de l’ouvrage, on trouve une bibliographie assez fournie et des notes de l’auteur sur les faits qui ont inspiré le roman. C’était très intéressant. J’avais entendu parler de ce trafic de déchets dangereux, mais du coup cela devient bien plus clair, mis dans le contexte.
Pour terminer sur une note un peu plus gaie, il y a, comme toujours pour les ouvrages de chez Asphalte, une playlist composée par l’auteur. C’est une attention que j’apprécie toujours autant.
Corps à l’écart est un roman passionnant et je vous le conseille vivement.
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