giovedì 16 gennaio 2014

                                                      12 gennaio


                  Encore 

                  du noirnoir! 




Quelque part dans le nord de l’Italie, dans la Ville, se trouve une immense décharge. C’est là que vit une petite communauté. Adolescents en rupture, comme Iac et Lira, immigrés comme Saddam et Argos, vagabonds…  tous, dans ce monde à l’intérieur du monde, récupèrent, réparent et revendent ce qu’ils peuvent parmi les déchets qui s’accumulent. L’incendie de déchets toxiques, un jour, remet en cause l’existence et la cohésion du groupe. Parce que les trafiquants ont vu Iac et Lira et n’aiment pas les témoins éventuels, parce que Lorenzo le pompier voudrait sauver Iac, parce que Iac est irrésistiblement attiré par Silvia, la fille d’un chirurgien esthétique, qui passe souvent, de plus en plus souvent, par là.

Sans doute sommes-nous nombreux à avoir encore en tête le chapitre de Gomorra, de Roberto Saviano, consacré aux trafics de déchets toxiques, ou bien la scène tirée de son adaptation cinématographique. Elisabetta Bucciarelli nous y fait entrer de plain-pied, nous immerge littéralement dans cette décharge géante, ce lieu où la société rejette ses déchets, ceux dont elle n’a plus l’utilité, ceux qu’elle ne veut plus voir. Déchets ménagers, déchets toxiques, déchets humains comme cette communauté invisible du monde composée d’exclus qui se disent volontaires mais qui ne le sont sans doute pas autant qu’ils le voudraient ainsi que le montre cette scène poignante où Iac, cherchant refuge chez sa mère, s’aperçoit que sa clé ne fonctionne plus car la serrure a été changée.
Si Elisabetta Bucciarelli a d’évidence voulu mettre sur la table la question du trafic de déchets, comme le confirment sa postface et sa bibliographie finale, elle utilise toutefois surtout la décharge comme une métaphore de la société et du délitement de cette dernière ; l’alternance des chapitres mettant en scène ceux de la décharge d’un côté, présentant le père de Silvia et sa clientèle de l’autre, exprimant clairement la façon dont le fossé entre les plus riches et les plus pauvres est devenu infranchissable.
Lieu de rencontre de ces deux mondes par le biais des ordures qui y arrivent, la décharge est ici le vrai personnage central, doué d’une vie propre, capable de tout digérer mais aussi d’exercer sa vengeance.

Roman dont la profonde âpreté est renforcée par une écriture organique laissant place autant aux sentiments qu’aux sens, Corps à l’écart, comme un conte fétide, jette à la face de son lecteur l’image d’un monde dont la beauté superficielle cache bien mal la putréfaction qui le ronge tout en laissant cependant entrevoir la possibilité, aussi ténue soit-elle, d’un éventuel salut grâce peut-être à l’exceptionnelle capacité de résilience des hommes et de la terre qui les porte.

Il blog, QUI.